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Le souvenir du triomphe de Youn Sun Nah au théâtre du Chatelet



Depuis un mois la pression montait autour de son nouveau disque. Une grande interview et la couverture de Jazz Magazine/Jazzman avaient donné le «La» quinze jours avant la sortie dans les bacs, relayées ensuite par les radios et la presse généraliste dans laquelle la chanteuse coréenne envahit les pages. François Lacharme, Président de l’Académie du Jazz et responsable des concerts de jazz au Châtelet, ne s’était pas trompé en programmant Youn Sun Nah au plus fort de cette vague médiatique. C’est donc à un concert à guichet fermé que nous étions conviés, la foule des grands jours se pressant devant les portes dès 19h15.

Comme elle le fait souvent, Youn Sun Nah se présenta seule devant le public, commençant son concert avec une kalimba pour seule compagnie, le choix de My Favorite Things rappelant que c’est bien dans le jazz que la jolie coréenne a décidé de situer sa carrière, même si la majeure partie de son répertoire est constitué de compositions originales et de reprises transfigurées de morceaux pop, rock ou folk. Le ton était donné pour un long crescendo, les musiciens entrant presque un à un au fur et à mesure des morceaux. Ulf Wakenius fut le premier à rejoindre la chanteuse. Ce superbe guitariste suédois qui a commencé sa carrière aux côtés d’Oscar Peterson et de N.H.O.Pedersen est le soutien sans faille avec lequel Youn a développé, pendant des années et de nombreux concerts en duo, une complicité très créative. Son jeu, qui peut se faire aussi minimaliste qu’exubérant, ajouta la pureté du son de la guitare électro-acoustique à la magie de la voix cristalline. Et puis arrivèrent Vincent Peirani et son accordéon du XXIème siècle (écoutez son nouveau disque «Thrill Box»), Lars Danielsson, aussi impérial au violoncelle qu’à la contrebasse, et Xavier Desandre-Navarre, percussionniste aux oreilles aussi averties que les doigts, ces deux derniers apparaissant pour la première fois sur scène aux côtés de la chanteuse, eux qui enregistrent avec elles depuis des années. Le quintet réuni allait alors offrir un Momento Magico qui déchaîna une salle déjà sous le charme. Composé par Wakenius qui connaît les qualités vocales exceptionnelles de la chanteuse, Youn Sun y est poussée dans ses derniers retranchements, qu’il s’agisse de tessiture, de virtuosité ou de capacité à improviser dans une sorte de scat «younesque» où sa gestuelle montre combien la musique l’habite. Les 1800 personnes du Châtelet étaient conquises. Lament (belle chanson que Youn hésitait à mettre sur son nouvel album !), Ghost Riders In The Sky (standard western popularisé par Peggy Lee et Johnny Cash) ou Jockey Full Of Bourbon (Tom Waits) contribuèrent aussi au plaisir incandescent du public. Mais, au-delà des morceaux de bravoure où la jeune femme s’affranchit des conventions du jazz avec le brio qu’on lui connait, c’est encore dans les ballades qu’elle nous toucha au plus profond de nous-mêmes, son cœur battant au rythme de sa voix quand elle chante l’amour et la mélancolie. Ce mélange entre une douceur immense et une folie parfois furieuse contribue à faire de Youn Sun Nah l’une des grandes chanteuses d’aujourd’hui, réalisant avec un naturel désarmant l’osmose du talent pur et de la sensibilité exacerbée. Une fois de plus, elle a montré combien la scène peut la transcender, à moins que ce ne soit une deuxième nature qui lui fasse vivre sa vraie vie sur les planches. Trois rappels, un standing ovation et quelques larmes partagées avec son public d’un jour ont scellé son union avec Paris. Pour toujours.

Chronique parue sur le blog «Le Jazz Live» de Jazz Magazine en mars 2013

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