Rufus Harley est né en 1936 et décédé en 2016. C’est un saxophoniste, flutiste et cornemuseur. Il fait ses débuts à 18 ans avec Mickey Collins. Comme beaucoup de sa génération, sa vie a été irrévocablement altérée par l'assassinat du président John F. Kennedy le 22 novembre 1963. Mais surtout il a été particulièrement marqué par le Black Watch, les cornemuses écossaises qui accompagnent le cortège funèbre de Kennedy.
Il essaie aussitôt de reproduire le son de la cornemuse au saxophone mais en vain. Aussi finit-il par en acheter une. Harley fait ses premiers concerts en 1964 ; le public est stupéfait … Et c’est le producteur de disques d’ATLANTIC, label fondé en 1957, qui produit le premier album de Rufus Harley « BAGPIPE BLUES » (Réf : SD 3001).
Il faut savoir passer outre l'aspect folklorique car Rufus Harley se produit généralement en kilt. Les ressources harmoniques limitées de la cornemuse, comme l'utilisation de multisons, la possibilité de produire un son ininterrompu sans recourir à la respiration circulaire, font de la musique de Rufus Harley un prolongement de celle de Coltrane, qu’il admirait. Voilà donc un album (édité en CD), où Harley montre d’abord ses talents de saxophoniste avec un son groovy, un phrasé affirmé et souvent proche de la soul. On y retrouve l’influence de Coltrane. Comme Yusef Lateef et Eric Dolphy, il joue de la flute. La cornemuse est présente sur la moitié des morceaux. De l’énergie, un son étrange, du blues, mais aussi un sacré feeling.
Au cours des années suivantes il sort quatre enregistrements en tant que leader pour ATLANTIC. On l'entend également aux côtés de Herbie Mann, de Sonny Stitt, de Gillespie, de Coltrane, de Dexter Gordon et de Sonny Rollins en 1974. Plus tard il travaillera pour le label Scotch and Soul avec trois disques. En 1972, avec son chef-d'œuvre « Re-Creation of the Gods » Harley embrasse le jazz-funk. Sa carrière se poursuivra de façon discontinue avec concerts, organisation de tournées, s’autoproclamant comme « ambassadeur international de la liberté », rencontres avec des chefs tribaux, des chefs d’états et bien d’autres personnages très différents les uns des autres.
Un personnage sympathique, atypique, militant, original … un grand artiste méconnu et qui mérite toute notre reconnaissance.
Laurent Freboeuf